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Critique des Médias
25 juillet 2009

LA SITUATION HISTORIQUE QUI A PERMIS LA CREATION DE MOBUTU AU CONGO

CENTRE  D’ETUDES  DU  MOUVEMENT  NATIONALISTE   CONGOLAIS (CEMONAC)

  1. E-mail : mulelejunior@yahoo.fr            11 NOVEMBRE 2008

LA  SITUATION  HISTORIQUE  QUI  A  PERMIS LA  CREATION DE   MOBUTU  AU  CONGO

Véritable création politique abjecte que l’Occident capitaliste a jetée dans une forme d’intrusion surréaliste dans l’histoire du Congo, l’apparition politique de Mobutu - survenue à la fin des années cinquante du siècle dernier - a eu lieu au Congo dans une situation historique internationale tumultueuse, et marquée par la rivalité entre le bloc de l’Est (socialiste, dirigé par l’URSS, mais où figurent la Chine, la Corée du Nord, Cuba, le Vietnam) et le bloc de l’Ouest (capitaliste, dirigé par les USA, mais où figurent les pays de l’Occident impérialiste  et leurs alliés : Israël,  le Japon, l’Afrique du Sud, Formose, la Corée du Sud) ; situation de rivalité qui a eu une influence déterminante sur la scène politique au Congo.                                            A cette époque, surgiront aussi des évènements d’une grande importance pour le Tiers-monde : le mouvement international d’émancipation des peuples colonisés  D’Afrique et d’Asie ! Face à la poussée progressive de ce mouvement, pendant que l’Europe – qui perd de plus en plus ses colonies – se cabre, et se cherche des alliés (pour maintenir sous ses jougs le plus de colonies possibles), le bloc de l’Est appuie (matériellement, militairement, et moralement) les peuples (surtout africains) qui luttent pour leur indépendance.             Conscient de l’influence grandissante du bloc de l’Est sur les peuples d’Afrique, l’Occident capitaliste, utilise tous les moyens pour empêcher la pénétration du communisme en Afrique, par des pays influents en général, et particulièrement par la porte du Congo.              La crainte des impérialistes était claire : Le Congo ne devait pas devenir en Afrique ce que Cuba était devenu pour les Antilles et l’Amérique latine ! Le colonialisme étant une expression du capitalisme, on comprend facilement pourquoi son prolongement (sous un visage nouveau) appelé néo-colonialisme, aura pour les Africains le même sens, qui est exploitation des Africains, et des richesses naturelles de l’Afrique pour les intérêts des puissances impérialistes (l’impérialisme étant compris comme stade avancé du capitalisme !). Les choses étant ainsi, les Africains comprenaient bien que le socialisme scientifique, étant opposé au capitalisme, devait par conséquent combattre ce qui lui est semblable dans son fondement: le néocolonialisme.

       Ce n’est pas par hasard que les USA se trouvent du même côté que les pays de l’Europe capitaliste : ils sont tous construits dans des sociétés capitalistes marquées par les mêmes principes d’exploitation de l’homme par l’homme, de favoriser la classe bourgeoise aux détriments des prolétaires, et des paysans. L’Amérique capitaliste n’est-elle pas fille de l’Europe capitaliste ? Elles ont toutes produit des types d’hommes de culture capitaliste, partis d’Europe, et qui ont décimé dans leurs colonies des Amériques – pour des raisons économiques - les Indiens d’Amérique, et qui ont exploité dans des plantations d’Amérique, les nègres déportés partis d’Afrique (en esclavage), et qui y ont construit des sociétés capitalistes.

Le néocolonialisme devait jouer au monde le même rôle (économique d’abord, et politique ensuite par implication) que le colonialisme : faciliter aux puissances capitalistes (impérialistes, mais qui perdaient leurs colonies) l’exploitation des richesses naturelles du Tiers-monde pour les intérêts de leurs peuples. Il fallait maintenir le plus de pays possibles sous l’influence du capitalisme pour des intérêts économiques qui dicteraient aussi des choix politiques. Il fallait installer dans différents pays du monde (qui se libéraient) le plus de régimes néocoloniaux possibles, pour garantir les intérêts des puissances impérialistes. Les pays qui basculeraient dans le camp socialiste, feraient perdre aux puissances impérialistes des intérêts. Pour ces intérêts économiques, des luttes hégémoniques s’engageaient entre les deux blocs. Mais tandis que l’URSS recherchaient le plus d’alliés possibles, dans des pays (à libérer du colonialisme, ou déjà libérés), pour fortifier son expression en tant que puissance, par des rapports de coopérations entre peuples  vraiment libres (recourant à la collectivisation des moyens de production pour une justice sociale), les USA voulaient favoriser le néocolonialisme qui correspondait le mieux à son principe d’exploitation de l’homme par l’homme, et d’installation (dans différents pays) des sociétés capitalistes.

Le Congo belge, pays hautement stratégique pour sa position géopolitique en Afrique, pour ses immenses richesses naturelles, ne devait pas entrer dans le camp socialiste : l’Occident capitaliste y perdrait beaucoup d’intérêts économiques ! Le néocolonialisme y était indiqué pour des raisons économiques et politiques ! La bourgeoisie monopoliste belge devait y sauver, et maintenir  ses intérêts dans différents secteurs (minier, agricole, financier, énergétique). Pour ses richesses, le Congo était le pays le plus riche de l’Afrique, et un des cinq plus riches pays du monde.

     Les enjeux économiques étaient complexes et immenses au Congo. Quatre groupes financiers belges contrôlaient l’économie au Congo : La société générale de Belgique, Brufina, un groupe lié à la banque de Bruxelles, et les groupes Empain et Lambert.

On citera ici quelques sociétés dont les activités ont eu un grand impact dans l’économie du Congo : Union Minière du Haut Katanga (dans le secteur minier pour divers minerais dont le cuivre, le cobalt, l’uranium), Forminière (pour le diamant), Symétain (pour l’étain), Kilo-Moto (pour l’or). Dans le secteur agricole, il y a eu d’innombrables sociétés dont la liste exhaustive ne peut être reproduite dans cette modeste étude (dont Cotonco - pour le coton-, HCB, CK et HPK, UNILEVER, JVL, SCC - pour l’huile de palme -. Il faut quand même mentionner OTRACO (pour le transport fluvial), KDL (pour le Chemin de Fer) et autres de différents secteurs (énergétique, et de l’industrie textile).   

       Bien que les Etats-Unis d’Amérique s’allient à l’Europe dans leur stratégie de lutte contre l’hégémonie de l’URSS, ils ne perdent pas de vue leurs propres intérêts.  Puissance sans colonie, parallèlement à cette stratégie, les USA tentent non seulement de courtiser les forces nationalistes africaines de l’époque, pour s’assurer l’entrée en douceur sur les nouveaux marchés que deviendraient les Etats africains une fois indépendants, mais surtout de recruter aussi certains de leurs représentants pour en faire leurs agents locaux  qui formeraient dans ces Etats la bourgeoisie bureaucratique compradore vouée alors à leurs intérêts.  C’est dans le cadre de cette dernière stratégie que Mobutu sera recruté par la C.I.A des USA, et que sera créé le groupe de Binza, à Léopoldville, fondé par Lawrence Devlin, Chef de l’agence de la CIA au Congo en 1960 ; groupe qui jouera un rôle d’une grande importance dans différents régimes politiques néocoloniaux du Congo (de 1960 à nos jours). Et c’est aussi pour cette raison qu’à cette époque (dès la chute de Lumumba)  la CIA transformera son antenne de Léopoldville en Bureau Régional de l’Agence pour l’Afrique Centrale. Ce rôle est joué aujourd’hui par Kampala, et relayé par Kigali. C’est à cette même époque d’ailleurs que remonte le divorce entre le FNLA (pro-américain) et le MPLA (pro-soviétique). Ce dernier devait quitter d’ailleurs (pour sa coloration communiste) le territoire congolais définitivement. Le Congo devait collaborer avec les Etats réactionnaires d’alors de l’Afrique Australe (Les deux Rhodésie, l’Afrique du Sud), les colonies portugaises d’Angola et de Mozambique, et devait soutenir, plus tard la rébellion des forces de John Garang au Sud Soudan contre les autorités socialistes et islamistes de Carthoum.   

       Quelques dates illustrent les évènements qui auront marqué cette époque, d’un signe du mouvement d’émancipation pour les peuples colonisés d’Afrique : Car pour les Africains, les exemples à suivre ne manquaient pas dans ces événements.

Dans le monde (Afrique-Antilles-Asie) :

  • 1955 : Conférence   afro-asiatique de Bandung, où des peuples d’Asie et d’Afrique réclament   avec détermination leur libération.
  • 1956 : Nasser nationalise   (le 2 juillet de cette année) le Canal de Suez. Cette même année,   la guerre d’Algérie, qui connaît un grand essor, inspire beaucoup   de nationalistes des pays d’Afrique, tels que Sékou Touré, P-E.   Lumumba, Kwame N’Krumah, Pierre Mulele, Amilcar Cabral. C’est aussi   l’année de la création du Parti Africain de l’Indépendance de   la Guinée et du Cap-Vert (P.A.I.G.C) par Amilcar Cabral.
  • 1957 : Indépendance   du Ghana, où Kwame N’Krumah joue un rôle déterminant d’éveil   nationaliste, et de recherche d’émancipation des peuples noirs, sur   des leaders négro-africains, dans le cadre du panafricanisme.
  • 1958 : Indépendance   de la Guinée Conakry, où Sékou Touré fortifie le rôle initié par   le leader ghanéen, dans la recherche de l‘indépendance des peuples   d’Afrique.

    La même  année, surgissent d’autres événements de grande importance pour l’éveil de la conscience africaine libre : 1. Nasser devient Président de la République Arabe Unie (RAU) ; 2. L’Exposition universelle de Bruxelles (où des intellectuels congolais encore colonisés, découvrent les réalités plus humaines des autres peuples, à travers les rencontres des autres intellectuels du monde libre) ; 3. Du 5 décembre au 14  décembre, la Conférence d’Accra, véritable Conférence du rassemblement des Peuples Africains, au cours de laquelle les hommes politiques africains discutent des problèmes de libération des peuples africains encore colonisés. Ces événements auront un impact déterminant, et stimulant sur des nationalistes congolais les plus avancés en connaissance politique, tels que P-E. Lumumba, et Pierre Mulele.

  • 1959 : Année de la   Libération du peuple cubain. Batista enfui, l’armée populaire, entra   à La Havane le 2 janvier 1959 ! Cuba rejoignait ainsi le camp socialiste   combattant le capitalisme en face de l’Amérique.
  • 1960   (de janvier à février) : Conférence de la « Table Ronde de Bruxelles),   où sont discutés les problèmes de l’indépendance à accorder au   Congo belge.

AU CONGO BELGE :

  • 1954-1955 :  1954 :   Introduction au Congo belge de l’enseignement laïc (grâce au ministre   belge Buisseret). Lumumba est dirigeant de l’Association des Evolués   de Stanleyville (1954-1955).
  • 1956 : Année de la   « politisation » de la société noire du Congo belge : 1. Création   de l’ABAKO (Parti politique ethnique des Bakongo). 2. Publication   du ‘’Manifeste de Conscience  Africaine’’ par Iléo, Ngalula,   Nkuli, et Zangabie où apparaît l’idée d’émancipation des noirs   s’accommodant aussi d’une collaboration des Noirs avec la royauté   belge, et du système capitaliste d’une communauté belgo-congolaise.
  • 1957 : Pénétration   au Congo belge de la revue de la négritude au nom révélateur de ‘’Présence   Africaine’’ (d’Alioune Diop collaborant avec Césaire, Senghor,   Damas, et autres écrivains de la négritude) où apparaissent des idées   d’émancipation des peuples noirs, et de nationalisme panafricain   qui auront des retentissements de tonnerre dans l’esprit des nationalistes   congolais.
  • 1958 : Création du   Mouvement National Congolais MNC (où figurent des vrais nationalistes   tels que Lumumba, mais aussi des collaborateurs des colonialistes tels   que les deux Josephs Ngalula et Iléo, Adoula, Nguvulu, et Liongo).
  • 1959 : - Juillet :   Eclatement du MNC en deux ailes (MNC-Kalonji, aile des collaborateurs,   et MNC-Lumumba, aile des nationalistes, où figureront Lumumba, Gbenye,   Soumialot, Mpolo, Okito, et autres nationalistes de différentes tribus   et provinces du Congo).

    La même année sera créé, en janvier, le Parti Solidaire Africain (PSA), où apparaîtront d’autres nationalistes qui se voudront ‘’lumumbistes’’ tels que Mulele, Gizenga, Kama, Bengila, Nima.

    Mais le fait historique le plus retentissant de cette année se produit le 4 janvier, dans l’insurrection populaire des masses des opprimés de Léopoldville, qui réclament l’indépendance dans la violence, à travers les quartiers occupés par des administratifs, et commençants Blancs.  Le biographe de Mulele (Ludo Martens) décrit ainsi cette insurrection, qu’il appelle ‘’Révolte de Léopoldville’’ : ‘’Des dizaines de milliers de chômeurs, de jeunes et de travailleurs s’attaquèrent à tout ce qui représentait le système colonial’’. Pour l’auteur belge, cette révolte, qui influença énormément Mulele,  précipita la création du PSA.

A partir de 1959, beaucoup de Partis politiques (pour la plupart tribaux, ethniques) apparurent au Congo, et participèrent à la Table Ronde de Bruxelles. Mobutu, sans être un invité, y sera injecté, en tant qu’infiltré, par la sûreté belge.

    1960 : Janvier-février, Conférence de la Table Ronde de Bruxelles, - le 30 juin, Proclamation de l’Indépendance du Congo.

    LES  PARTIS  POLITIQUES

       De la date de l’indépendance du Congo (30 juin1960)  à l’année 1963, année de la ‘’Mise en Congé du Parlement’’ par Kasa-Vubu (survenue le 29/09/1963), beaucoup de partis politiques furent comptés au Congo, et dont nous donnons la liste exposée dans le tableau suivant, selon les provinces :

Kwilu : PSA, PRA, PSA-G    !   Kwango : LUKA, ATCAR !    Kongo Central : ABAKO, ALCO, RPC

Lac Léopold II: AREK – UNALEC (+ MNC-L), RDA

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Luluabourg: UNC, PANAC, UDA, MUEL, PCN, PDC, MNC-L

Unité Kasaïenne: COAKA, RADECO, PDC, PSA-G                   Sud-Kasaï : PDC, PANACO, MNC-L, MSM, PEN

Sankuru:  MNC-L, ANAMONGO

Lomami: MUB, PABEKO, MNC-L, RADECO

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Nord-Katanga: BALUBAKAT, PEN

Katanga-Oriental: CONAKAT, ADA, PLOBA, UCA, PEN

Sud-Congo (Lualaba): CONAKAT, ATCAR,

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Kivu Central: LINACO, CEREA, REKO, MNC-L, ARP, UNERGA, PMUC, APODEC, PRN, PDC

Maniema: MNC-L, PDC

Nord-Kivu: CEREA, RADECO

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Haut-Congo : MNC-L, OITO, RADECO

Ituri : MNC-L, ADC

Uele: MNC-L, RADECO

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Cuvette Centrale: UNIMO, MNC-L, PDC

Moyen-Congo : PUNA, PDC, UNIDA

Ubangi : MEDA, PNP, MEDERCO, Ass. GWAKA 

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PS: Les Partis Politiques mentionnés en gras sont des partis majoritaires.

Index des Partis Politiques, Cartels et Associations politico-culturelles:

ABAKO : Alliance des Bakongo ; ABAZI : Alliance des Bayanzi ; A.D.A : Alliance Démocratique Africaine ; AFBA : Association Fraternelle des Bahumbu ; ANAMONGO :  Association des Ankutshu Anamongo ; APIC : Alliance des Prolétaires Indépendants du Congo ; APODEC : Alliance Populaire d’Organisation Moderne dans la Démocratie pour l’Emancipation Congolaise ; ARP : Alliance Rurale Progressiste ; ATCAR : Association des Tshokwe du Congo, de l’Angola, et Rhodésie ; CEREA : Centre de Regroupement Africain ; CNL : Conseil National de Libération ; COAKA : Coalition Kasaïenne ; CONAKAT : Confédération des Associations tribales du Katanga) ; LUKA : Union Kwangolaise pour l’Indépendance et la Liberté ; MNC-L : Mouvement National Congolais-Lumumba ; MSM : Mouvement Solidaire Muluba ; MUB : Mouvement de l’Unité Basonge ; MUEL : Mouvement pour l’Union et l’Entente Lulua ; OITO : Organisation Int. des Topoke ; PABEKO : Parti des Bena-Koshi ; PANAC : Parti National Chrétien ; PANACO : Parti Nationaliste Congolais ; PCN Parti de la Concorde Nationale ; PDC : Parti Démocrate Congolais ; PEN : Parti de l’Entente Nationale ; PNA : Parti National Africain ; PLOBA : Parti de la Libre Opinion Bantoue ; PNCP : Parti National de la Convention du Peuple ; PNP : Parti National du Progrès ; PRA : Parti du Regroupement Africain ; PSA : Parti Solidaire Africain (en 2 ailes : PSA-G aile Gizenga, PSA-K aile Kamitatu) ; PUMC : Parti de l’Unité Médiatrice Congolaise ; PUNA : Parti de l’Unité Nationale ; RADECO : Rassemblement des Démocrates Congolais ; RDA : Rassemblement Démocratique Africain ; REKO : Rassemblement de l’Est du Congo ; RPC : Rassemblement Progressiste Congolais ; RPL : Rassemblement des Peuples Luba ; UC : Union Congolaise ; UDA : Union Démocratique Africaine ; UDAMO : Anamongo ; UGEC : Union Générale des Etudiants Congolais ; UNC : Union Nationale Congolaise ; UNERGA : Union des Warega, UNIDA : Union Dua Aruwimi Itimbiri ; UNIMO : Union Mongo ; UPANA : Union des Partis Nationalistes ; UPC : Union des Prolétaires du Congo.

A l’examen de la longue liste des partis politiques de cette époque, on remarquera que la plupart de ces partis sont montés sur base tribale et régionale. Les exceptions sont à trouver surtout dans le cartel nationaliste.         

    En dehors des partis politiques, il y a eu des cartels regroupant certains partis ayant des affinités idéologiques. De tous les cartels, c’est le cartel nationaliste, qui sera radical et progressiste, et qui regroupera les partis suivants : MNC-L, PSA-G, CEREA, BALUBAKAT, et autres nés après 1960. Ce cartel a obtenu aux élections de mai 1960, 71 députés sur un total de 137 ! Il a été majoritaire au Parlement, et a formé le gouvernement Lumumba. Situation qui inquiéta l’Occident capitaliste ! Pour empêcher le Congo de basculer dans le bloc de l’Est, deux solutions s’imposaient aux puissances capitalistes : éliminer (physiquement) de la scène politique les leaders nationalistes les plus « dangereux », les irréductibles (progressistes, marxisants, ou communistes), et corrompre les moins dangereux (les moins influents, les hésitants, les moins engagés, les modérés ou réformistes, les moins avancés dans leurs convictions et connaissances politiques, et les ‘’patriotes anti-communistes’’). Les corruptibles, les modérés, et les corrompus étaient destinés à former ou à grossir  la bourgeoisie bureaucratique compradore du Congo indépendant. Les deux solutions devaient servir une seule fin : Installer au Congo un régime néocolonial. Comme on ne peut monter un régime politique sans acteurs politiques, il fallait d’abord faire un inventaire de ceux-ci, et ensuite procéder à un recrutement de ces acteurs pour une bonne mise en scène politique.

La pièce de théâtre était montée aux Etats-Unis d’Amérique, et en Belgique, avait pour démarches  d’abord de suivre, dès 1958, l’évolution des milieux congolais qui semblaient  de plus en plus s’intéresser aux idées d’émancipation du peuple de la riche colonie belge,  ensuite de déstabiliser le Congo indépendant (à partir de 1960), d’assassiner Lumumba et d’autres nationalistes radicaux (pour effacer du Congo toute forme de mouvement nationaliste). Le but poursuivi par les impérialistes était de placer au Congo un régime néocolonial fragile, instable au départ (sous Kasa-Vubu qui avait un côté anti-communiste, et un côté patriote, fédéraliste, et aux contours tribaux mal définis), et ensuite un régime néocolonial fort, et durable (de dictature, sous Mobutu dont la fidélité était plus sûre). Les tendances tribales et fédéralistes de Kasa-Vubu ne garantissaient pas beaucoup, aux yeux des impérialistes, les intérêts des capitalistes, à cause des dangers de rivalités tribales pouvant dégénérer à tout moment en guerres tribales dans des jeunes nations à peine indépendantes de l’Afrique. 

Le scenario était, à chaque période, toujours le même : 1. On déstabilise la situation politique par divers moyens (en provoquant diverses formes de crises politiques: conflits entres leaders, coup d’état, révocation des ministres, renversement d’un gouvernement légal, persécutions et assassinats des leaders politiques, renvoie du parlement, agression étrangère avec collaboration des collaborateurs locaux, sécessions, provocation au sein de l’armée, et au sein du peuple, pour susciter une insurrection dans l’armée, et une insurrection populaire) ; 2. On propose des solutions qui instaurent et arrangent un ordre néocolonial (ou de terreur si nécessaire), en recourant aux conseils et propositions montés par des conseillers occidentaux choisis, pour réaliser un programme de stabilisation, monté par la CIA,  la sécurité, et le monde des finances américain et belge. 3. On applique ces solutions grâce à la collaboration des collaborateurs congolais portés au pouvoir (politique et de l’armée) par plusieurs types de répression.    4. On écarte du pouvoir tous les nationalistes et patriotes qui s’opposent à ces décisions pro-capitalistes (pro-impérialistes). 5. On installe et maintient au Congo un régime néocolonial dont les acteurs sont choisis par l’Occident impérialiste, dans et pour la naissante bourgeoisie bureaucratique compradore.                                                                 Ce régime doit gouverner dans un Etat fort et érigé en fonction des intérêts des puissances impérialistes aux détriments des masses populaires du Congo. Comme tout Etat est monté pour défendre les intérêts d’une classe sociale donnée, au Congo, en compensation des services rendus à ces puissances impérialistes, les éléments de la bourgeoisie bureaucratique compradore seront placés au pouvoir, dans différents gouvernements pour les intérêts des impérialistes, et de cette bourgeoisie. Les bénéficiaires des postes auront ces avantages : l’exercice du pouvoir (prestige social, avantages matériels), et l’enrichissement lié (par des corruptions) aux postes occupés. Loin de satisfaire tout ce monde de rapaces et de vautours de tous poils, de la même manière, ces avantages ne pourront pas empêcher l’apparition des rivalités personnelles (pour des intérêts individuels) entre membres de cette nouvelle classe sociale (Tchombe combattra Adoula et Iléo, tandis que Mobutu combattra Kasa-Vubu et Kimba).

Ce plan qui démarra dès 1958, connut plusieurs phases de réalisation, et eut les acteurs suivants :

  1. Du Côté   de l’Occident capitaliste (impérialiste) :

    . Maurice Templesman : Richissime diamantaire Juif Américain. C’est le premier homme qui ouvrira un compte en banque pour le jeune espion Joseph Désiré Mobutu, en 1958, par ordre d’Allen Dulles et de Lawrence Devlin (dit Larry Devlin).

    . Lawrence Devlin (ou Larry Devlin) : Chef de l’Agence de la CIA au Congo en 1960, fondateur du fameux ‘’groupe de Binza’’, véritable regroupement des collaborateurs congolais devant former le noyau de la bourgeoisie bureaucratique compradore du Congo (à Léopoldville). Il fut aussi  directeur du Plan de la déstabilisation du Congo indépendant, et l’organisateur de l’assassinat du Premier Ministre P-E. Lumumba.

    . Allan Dulles : Patron de la CIA à Langley : Directeur  de la CIA, superviseur et Planificateur du complot de l’assassinat de P-E. Lumumba.

    . Tumberlake : Ambassadeur des USA à Kinshasa, Organisateur de l’Opération de déstabilisation du Congo, à Kinshasa, et au reste du Congo.

    . Pierre Davister : Rédacteur en chef du journal l’Avenir Colonial, l’homme qui a recruté Mobutu pour le compte d’abord de la Sûreté belge, et ensuite de la CIA.

    . Eisenhower : Président des USA après la seconde guerre mondiale, organisateur de la lutte contre l’expansion et l’implantation du communisme dans le monde.                                         . Langley : Siège de la CIA, à Washington, Virginie.

    . Marlière : Colonel de l’armée belge, conseiller militaire de Mobutu, actif dans le programme des deux  coups d’Etats opérés par Mobutu, et dans la lutte contre l’insurrection armée menée les nationalistes du CNL.

    . Jean Schramme et  Bob Denard : Mercenaires de la Sûreté belge et de la CIA, engagés par des collaborateurs congolais, et qui appuieront l’Indépendance du Katanga pour le compte de Tchombe.

    . Ketani : Colonel marocain, collaborateur militaire de Mobutu, dans la lutte de celui-ci contre les nationalistes congolais.

    . Janssens Emile : Général major belge, chef de la Force Publique, qui provoqua les soldats congolais en écrivant sur un tableau : Avant Indépendance=Après Indépendance !                                                                                                                              .Cumont : Général belge qui soutiendra la sécession katangaise.

    . Vandewalle : Colonel belge, responsable de l’armée au Katanga (en sécession), en 1960, qui forma avec le major Crèvecoeur, les gendarmes katangais, et qui dirigea l’Opération Ommegang, en 1964, dans laquelle les mercenaires recrutés des forces de l’OTAN, liquidèrent le gouvernement révolutionnaire de Stanleyville, en écrasant, dans la province Orientale, en 1964, les forces nationalistes.

    . Les services d’espionnage et de Sûreté de l’Etat d’Israël, et de l’Afrique du Sud.

  1. Du côté   congolais :

    Le recrutement des agents collaborateurs des impérialistes occidentaux (USA et Belgique surtout, et Israël) s’est effectué dans les milieux des collaborateurs, anciens ‘’Evolués’’, et nouveaux éléments de la bourgeoisie bureaucratique compradore.

    Nous avons déjà décrit (dans notre article sur Gizenga, publié au début du mois d’octobre 2008) les différentes tendances des Evolués du Congo (rangés en collaborateurs, réformistes, et nationalistes radicaux). Nous ne citerons ici que les plus influents.

    . Du Groupe de Binza (où l’on trouve  collaborateurs et réformistes) et alliés, on note la présence, et la participation active de : Kasa-Vubu, Mobutu, Delvaux, Nendaka, Bomboko, Adoula, Ndele, IIéo, Bolikango, Anani, et Tshisekedi, Lihau, Kengo, et d’anciens syndicalistes tels que Kithima, et Boboliko.

    . Du groupe des collaborateurs du Katanga : Tchombe, Munongo.

    . Du groupe des collaborateurs du Kasaï : Kalonji, Ngalula

    Le groupe des nationalistes (ayant deux tendances : réformiste et radicale) a perdu, dans la corruption, beaucoup de ses membres, et qui ont fini par rejoindre les rangs des recrutés des impérialistes, dont : Kamitatu Cléophas, Nendaka, Mandungu, Manzikala, Lundula, masikita, Kakwala, Kimpiobi, et autres.

    Comme dans toute équipe, il y a eu, de tous les côtés, des éléments de commandement, de collaboration et d’exécution.

    Chez les Congolais, on mentionnera parmi les meneurs de jeu de collaboration - dont les rôles et les tâches varieront selon les situations socio-politiques, les stratégies, les tactiques des impérialistes – les personnages suivants: Pour les régimes néocoloniaux à placer à Kinshasa : Kasa-Vubu, Mobutu, Ileo, Adoula, Delvaux, Kimba, Maboti, Nendaka, Bomboko, Kengo Wa Dondo, Ngalula, Ndele. Pour les sécessions  Tchombe, Munongo, Kalonji. Pour l’armée : Mobutu, Lundula, Bangala, Nkulufa, Masiala. Pour la sécurité : Nendaka, Manzikala.

       Puisque tous ces acteurs sont sortis de certaines couches de la population congolaise, il convient de décrire ici, les différentes classes sociales du Congo (qui ont toujours été en état de lutte), en ces années soixante.

      LES CLASSES SOCIALES  AU  CONGO

       Schématiquement, de la fin des années cinquante au début des années soixante, on compte au Congo – à la suite des travaux de Jacques-Jérôme Maquet, et du biographe de P. Mulele -, six classes sociales dont : 1. L’aristocratie noire (décadente) ; 2. La bourgeoisie nationale (embryonnaire) ; 3. La petite bourgeoisie noire; 4.  Les paysans ;  5.  Le prolétariat et le semi-prolétariat;  et 6.  Le sous-prolétariat.

    - L’aristocratie noire (composée de chefs coutumiers) est décadente pour avoir perdu presque la totalité de son autorité vis-à-vis de ses sujets devenus sujets colonisés, et dépendant directement de l’autorité coloniale. Assujettie par l’ordre colonial, elle ne jouera que le rôle de collaboratrice à l’ordre colonial (sur le plan administratif). Faute de mieux, elle collaborera avec les colonialistes pour garder quelques avantages matériels. Ne pouvant maintenir un ordre féodal (effacé par la colonisation), les chefs coutumiers recevront, depuis les années quarante jusqu’au début des années cinquante, une prime annuelle calculée en fonction du nombre d’indigènes qu’ils administraient, et recevaient aussi un pourcentage (faible) sur les impôts de capitation payés par leurs sujets congolais.                                                                                                  Ludo Martens dit que ’’les obligations qui incombaient aux chefs coutumiers les reléguaient au rang de contremaîtres au service de l’exploitation capitaliste et de chiens de garde de l’ordre colonial (...) Le pouvoir colonial avait conservé la plupart des formes extérieures de l’ordre social de la société traditionnelle, plus particulièrement les rapports de domination et de subordination, et les aspects réactionnaires de l’idéologie tribale et féodale. Mais ces formes traditionnelles enveloppaient désormais des rapports d’exploitation propres au capitalisme international’’. Si la plupart de ces chefs coutumiers (dont l’autorité s’exerçait sur un grand nombre de sujets) ont été des collaborateurs des colonialistes, une minorité (ceux dont l’autorité ne s’exerçait que sur un petit nombre de sujets) refusa par contre de collaborer, et prêta main forte au mouvement nationaliste. Les chefs coutumiers collaborateurs ont été utilisés, plus tard, (à la fin des années cinquante, et aux années soixante) pour appuyer des partis pro-impérialistes. 

    - La bourgeoisie nationale a été composée de propriétaires de firmes indigènes. Bien qu’embryonnaire (aux faibles capitaux), elle détenait des petites entreprises (industries) dont les activités étaient orientées vers le commerce, le domaine agricole, les domaines de la construction, de la menuiserie, des garages, des savonneries, des restaurants, des hôtels. Cette classe était rejointe aussi par certains groupes d’évolués dont les prêtres, les assistants médicaux et agronomes, les employés supérieurs des sociétés. Ludo Martens dit que ‘’entre 1956 et 1960, la bourgeoisie nationale s’opposa au pouvoir colonial à cause de la discrimination raciale, et qu’elle revendiquait l’égalité politique, sociale et économique avec les colons blancs’’. Il précise avec raison que ’’elle participa à la lutte pour l’indépendance parce que la route de l’accumulation du capital lui était en grande partie fermée par le système colonial, mais que durant cette période, une fraction de cette bourgeoisie nationale, liée souvent aux chefs coutumiers, s’enrichit en collaborant avec les grandes sociétés étrangères’’. ‘’Elle formait déjà, continue-t-il, une importante réserve pour la bourgeoisie monopoliste (…) Minoritaire, en 1960, elle ne comptait pas plus de 10.000personnes ’’.

    - La Petite Bourgeoisie noire : Les membres de cette classe sociale, appelés des ‘’évolués’’ étaient repartis en trois fractions : La petite bourgeoisie indépendante (composée d’artisans, de commerçants), qui comptait, en 1958, presque 15.000 membres. La petite bourgeoisie salariée (composée en 1960, par 70.000 employés engagés dans des entreprises, et par 98.000 agents de l’administration). C’est dans cette petite bourgeoisie de salariés qu’on recrutera pratiquement la quasi totalité des politiciens congolais. Le biographe de Mulele dit sur eux que les agents de l’administration formaient la couche supérieure de la petite bourgeoisie, et jouissaient  à la fin du régime colonial des mêmes traitements que les fonctionnaires blancs du niveau correspondant. Puisqu’ils seront les plus éveillés des différentes couches de la population, c’est eux qui hériteront des anciens colonisateurs, la direction des institutions étatiques du Congo indépendant. C’est ainsi qu’on trouvera, après l’indépendance, parmi eux, les dirigeants des divers gouvernements, et d’autres institutions étatiques. Beaucoup d’entre eux, ayant remplacé les blancs dans des Institutions étatiques, et  voulant garder, à cette époque les avantages liés à leurs postes (administratifs, et politiques), deviendront, des collaborateurs des néocolonialistes. Mais c’est aussi dans cette classe sociale qu’émergeront bien qu’en petit nombre, les nationalistes (tels que Lumumba, Mpolo, Okito, Mulele, Gizenga du début).                                                                                                                                             La troisième fraction était composée d’élèves de l’enseignement secondaire, et d’étudiants de l’enseignement supérieur. Beaucoup d’entre ces derniers,  une fois diplômés, tels que les commissaires Généraux de Mobutu – Lihau, Tshisekedi -, rejoindront les collaborateurs des impérialistes. Beaucoup d’anciens étudiants de l’UGEC, hier marxistes, tels que Gérard Kamanda, trahiront, pour des intérêts individuels, leur idéal révolutionnaire, en entrant dans la bourgeoisie bureaucratique compradore. Des exceptions comme Mitudidi seront rares. Kanza Thomas, premier universitaire congolais, qui se disait Lumumbiste, connaîtra le même itinéraire réformiste que Gizenga. Il faut noter ici, que les étudiants de l’UGEC, tout en se disant opposés à tout régime néocolonial installé au Congo auront des positions ambigües : Au lieu de rejoindre les révolutionnaires du CNL, ils ont préféré, au début des années soixante, des déclarations tapageuses dans des revues et journaux. Mais plus tard, à la fin des années soixante, ils seront les vrais premiers opposants au régime de Mobutu. Celui-ci tuera, à deux reprises (en 1969, et 1970),  beaucoup d’entre eux, et finira par enrôler dans l’armée les survivants.

    - Les paysans. Sur eux, Ludo Martens dit ces mots justes et touchants :’’Vers la fin du régime colonial, les paysans produisant à la mode traditionnelle, représentaient 77% de la population. Le produit de leur travail leur permettait à peine de survivre. L’Etat leur extorquait un surtravail en levant des impôts, en imposant des travaux pour l’infrastructure du pays, en imposant les cultures obligatoires aux prix les plus bas possible’’. C’est ainsi qu’il faut comprendre pourquoi les paysans ont été au Congo parmi les plus opprimés, et de ceux qui ont le plus aspiré à leur libération, et de ceux qui ont tout fait pour exiger l’indépendance. Ils seront de ceux qui reconnaîtront, et retrouveront leurs intérêts dans le programme politique et économique des partis nationalistes.

    - Le prolétariat et le semi-prolétariat : Après les paysans, ce sont ces catégories de la classe ouvrière sociale, qui ont été nombreuses dans un Congo aux entreprises capitalistes florissantes. ‘’Sur une population totale de 13.000.000 de personnes, dit Ludo Martens, le Congo comptait 1.199.896 salariés en 1956, dont 755.944 pouvaient être considérés comme des prolétaires’’. C’est dans ces catégories de la classe ouvrière, qu’on trouvera les hommes qui mèneront les plus importants mouvements de revendications de libération, allant des grèves jusqu’à l’insurrection armée qu’on verra au début des années soixante, au Kwilu, au Kwango, et à l’Est du Congo. C’est la classe sociale la plus révolutionnaire. Comprenant le mieux le programme des partis politiques nationalistes, et sensibilisés, organisés, et mobilisés par les nationalistes, c’est eux qui encadreront les paysans dans l’insurrection populaire armée contre les néocolonialistes et leurs alliés au pouvoir à Léopoldville, et dans le reste du Congo ‘’faussement’’ indépendant aux yeux des opprimés. L’indépendance n’ayant pas amélioré leur condition de vie, et n’ayant pas allégé leur misère, le mécontentement de la population ‘’oubliée par les politiciens démagogues’’ (de la bourgeoisie bureaucratique compradore),  était évidente.

    - Le sous-prolétariat : Maquet et Ludo disent que dans des villes des civilisations industrielles nouvellement nées en Afrique en général, et au Congo en particulier, une grande couche de la population (ayant fui la misère à la campagne, dans l’exode rural, et à la recherche du travail) se trouvant sans travail, forme un sous-prolétariat. Au Congo, la ville de Léopoldville a été, en 1959, objet d’une étude qui conclut l’analyse de la situation en ces termes :’’Sur une population totale de 380.781 habitants, la ville comptait 123.000 actifs, dont 29% (36.000) étaient officiellement enregistrés comme chômeurs’’. Ludo Martens dit dans son analyse : ’’De nombreux jeunesse rendant clandestinement dans la capitale, le nombre de travailleurs sans emploi était encore plus beaucoup important. Le pourcentage de jeunes villageois sans travail appelés ‘’chômeurs’’ était lui aussi fort considérable. Ces jeunes ‘’chômeurs’’ donneront, le 4 janvier 1959, le signal de la révolte populaire qui, à Léo, puis à l’intérieur du pays, marqua le début de la lutte ouverte pour l’indépendance’’. Cette classe sociale fera alliance avec la classe ouvrière dans  le mouvement d’émancipation qui explosera dans différentes villes du Congo, et qui s’alliera aussi aux paysans, en apportant à la campagne, l’élan de ce mouvement. C’est le cas des chômeurs refoulés de Léopoldville qui, après le 4 janvier 1959, apporteront l’élan de ce mouvement, dans leurs villages.

    Les partis du cartel nationaliste (dont MNC-L, PSA, CEREA, BALUBAKAT) ont été majoritaires au Congo (avant et après l’indépendance) parce que c’est eux qui dans leurs programmes et attitudes, se préoccupaient de la misère du peuple, et combattaient les visées néocolonialistes des puissances capitalistes alliées aux partis de droite (dont PNP, LUKA, ABAKO, PUNA, CONAKAT, PDC, UNIMO, UNC).

    L’INDEPENDANCE PIEGEE

    Quelques faits insolites illustreront les enjeux politiques de la période qui suit l’indépendance du Congo ; indépendance qui apparaître sous son vrai jour comme une indépendance piégée. Le discours que lit Lumumba devant les Congolais et la délégation de la Belgique (conduite par le roi Baudouin Ier), a fait date, et a été très apprécié par la population du Congo parce qu’il disait tout haut ce que pensaient de la colonisation, tous les Congolais. Il inspirera le poète martiniquais Césaire dans sa pièce de théâtre au titre de ‘’Une Saison au Congo’’. Cette indépendance a été politique sans être pour autant économique, et socioculturelle. Il y avait encore un long chemin à parcourir pour arriver à ce que Lumumba appelait ‘’l’indépendance totale’’, où le Congo pourrait avoir une économie nationale, où, pour développer leur pays, les congolais devaient compter avant tout, d’abord sur leurs propres forces.

         - Le 5 juillet 1960, Janssens, commandant de la Force Publique, provoque les soldats congolais en leur signifiant que l’indépendance n’a rien changé à leur condition. En suscitant les troubles dans la FP, le général belge, s’attendant ainsi à une réaction d’insurrection au sein de l’armée – qui finit par se produire -, cherchait un prétexte à l’intervention militaire de l’armée belge qu’il réclamera officiellement au Général Gheysen le lendemain.                  – Le 10 juillet 1960 : Début de l’agression belge à Elisabethville, et à Luluabourg. Le 12 et le 13 juillet 1960 : 2.000 soldats belges occupèrent l’aéroport et le centre ville de Léopoldville.         – Le 11 juillet 1960, Tchombe proclame l’Etat du Katanga, dont il est Président. La sécession katangaise, soutenue par la Belgique, a été financée par l’Union Minière du Haut Katanga.          – Le 13 juillet 1960, le Général Cumont déclare que les troupes métropolitaines sont mises à la disposition de Tchombe.       – Le 9 août 1960 : Albert Kalonji proclame l’indépendance de l’Etat minier du Kasaï. Cette sécession sera financée par la Forminière, une société filiale de la Société générale de Belgique.

    Attitude de l’Occident capitaliste : - Arthur Gillon, ministre belge de la Défense, déclare à la Chambre que l’ensemble des forces belges engagées au Congo s’élève à près de 10.000hommes.   – Les forces de l’ONU, sollicitées par Lumumba, pour s’opposer à l’agression belge, se comportent au Congo, comme des troupes d’occupation au service des intérêts impérialistes occidentaux : au lieu de désarmer les soldats belges, les soldats de l’ONU désarment les soldats congolais. Ludo Martens mentionne dans son livre sur Mulele, que le Général Von Horn, commandant en chef des forces de l’ONU, le reconnut dans ses mémoires qu’il publia en 1966. Il dit encore : ‘’Après que Lumumba lui ait notifié qu’il devait cesser de désarmer les soldats de l’ANC fidèles au gouvernement, le général Von Horn se rendit chez l’ambassadeur des Etats-Unis d’Amérique, Clare Tumberlake, avec qui il s’accorda à envoyer son second, le général britannique Alexander, à New York, afin de convaincre le secrétaire général de l’ONU que le désarmement complet de l’ANC constituait le seul espoir d’ordre et de paix au Congo. Dans sa résolution du 21 février 1961, le Conseil de sécurité avait exigé l’évacuation immédiate de tous les militaires et conseillers belges du Congo et du Katanga en particulier’’. Mais le général Von Horn n’appliqua pas cette décision).

    On trouve au Katanga (en sécession), les officiers étrangers (belges surtout) suivants : Le colonel B.E.M Fréderic Vandewalle, qui dirigeait l’équipe d’officiers belges chargés de former  et de diriger la gendarmerie katangaise ; le capitaine André Plotin ; le commandant Robert Lamouline ; les commandants Emile Grailly, Albert Liégeois, et Armand Verdickt ; les mercenaires Jean Schramme, et Bob Denard.

    Attitude de l’ONU :

    Contre les décisions de Lumumba, - qui lance contre les sécessions de Tchombe et Kalonji, les soldats de l’ANC, et les paysans et ouvriers encadrés par le parti nationaliste Balubakat -, le 8 août 1960, les intrigues de l’ambassade américaine et du commandant en chef de l’ONU au Congo, aboutissent : le Conseil de sécurité de l’ONU adopte une résolution stipulant que les troupes de l’ONU restent en marge de tout conflit d’ordre intérieur au Congo

           LE CAS  BAKWANGA : Le 26 août, 300 soldats lumumbistes occupèrent Bakwanga, la capitale du Sud-Kasaï. Mobutu arrêta l’offensive victorieuse sur ordre des Américains. Le général Lundula, son chef, ne sera même pas consulté pour cette grave décision. Il s’en plaindra auprès du ministre à la Défense, Lumumba, qui  ignorait lui-même aussi la décision,  et qui le reprochera à Mobutu. On ne peut que se demander pourquoi Mobutu n’a pas été fusillé pour cette haute trahison ! (Son biographe, Francis Monheim reconnut plus tard, la décision de Mobutu, qui a toujours été, à l’ombre, sous les ordres des Américains).

           LE CAS  KATANGA : Mobutu reproduira la même trahison, quelques semaines plus tard, au Katanga, où lui-même et l’ONU décréteront le cessez-le-feu pour stopper l’avancée de l’armée lumumbiste et pour sauver l’Etat du Katanga d’un effondrement imminent, selon les mots de Ludo Martens. L’ONU évacua 2.500 soldats nationalistes qui avaient déjà pénétré profondément au Katanga. Cette décision servait-elle l’unité nationale ?  Lumumba désapprouva cette décision, tandis que Kasa-Vubu l’approuva. Un conflit ouvert éclata entre le premier ministre nationaliste (soucieux de l’unité nationale), et le président collaborateur des impérialistes (qui ne tenait nullement à sauver l’unité nationale, et intégrité du territoire congolais).

    Le 5 septembre 1960, entra en jeu Kasa-Vubu : Il révoque Lumumba et quelques autres ministres nationalistes, et décide la dissolution du gouvernement Lumumba. Il exige aussi que les soldats de l’ANC déposent les armes ! Il n’est pas difficile de deviner derrière le personnage, la présence des Etats-Unis d’Amérique et de la Belgique, par le rôle joué par Devlin, et Tumberlake. Mais pour quel intérêt du peuple congolais ?

    Le 14 septembre 1960, Mobutu organise son premier coup d’Etat dans le seul but d’éliminer Lumumba de la scène politique. Lumumba sera dès lors assigné à la résidence sous la surveillance des troupes de l’ONU. Ludo Martens ajoute à juste titre qu’à quelque distance, l’armée de Mobutu le guette, et surveille tous les mouvements du leader nationaliste. Ici, encore on devine le rôle de l’ambassade des Etats-Unis à Léopoldville.

    Ce premier coup d’Etat de Mobutu, n’est pas  l’œuvre isolée  de l’impérialisme, il est aussi une des réalisations d’un programme monté depuis plusieurs mois par des politiciens congolais pro-capitalistes. Le biographe de Mulele écrit :’’Après les élections de mai 1960, on assista à diverses tentatives de formation d’un bloc anti-lumumbiste groupant toutes les forces collaboratrices’’. Ce bloc vit le jour dès le 30 juin 1960, et s’accorda sur le premier coup d’Etat de Mobutu. Ludo Martens commente non sans ironie : ’’Kasa-Vubu ayant échoué dans sa tentative d’évincer Lumumba de la vie politique, Mobutu entra lui-même en scène pour parachever le coup d’Etat. Le 14 septembre 1960, Mobutu ‘’neutralisa’’ les deux adversaires, Lumumba et Kasa-Vubu, à la grande hilarité de ce dernier qui contresignera en tant que président de la République tous les diktats du colonel’’. Mobutu a été assisté pendant cette période par le colonel Marlière, son conseiller militaire.

    Le lendemain matin, Serge Michel diffusa un communiqué écrit de la main de Lumumba : ‘’Le gouvernement central de la République de Congo porte à la connaissance du peuple que le colonel Mobutu, chef d’état-major des forces armées, a été corrompu par les impérialistes pour jouer un coup d’Etat contre le gouvernement légal et populaire’’.

            Le 10 septembre 1960, Iléo est nommé premier ministre par Kasa-Vubu, à la tête d’un gouvernement composé par les membres du groupe de Binza et alliés.

              Le 17 janvier 1961, Lumumba, Mpolo et Okito, arrêtés par les soldats de Mobutu,  seront assassinés à Elisabethville (en pleine sécession katangaise), sur ordre de Mobutu, de Kasa-Vubu, de tchombe, et de Minongo, obéissant à leur tour aux ordres des USA, en collaboration avec la Belgique. Aucun procès n’aura lieu, au Congo, ou ailleurs, sur cet assassinat qui dévoilera la parfaite collaboration existant entre le Gouvernement Central de Léopoldville et le Gouvernement de l’Etat sécessionniste du Katanga ! L’ONU - qui n’a pas empêché cet assassinat -, n’en fera pas une histoire. Seul le bloc de l’Est dénoncera dans cet assassinat le complot des impérialistes ! Ce ‘’crime d’Etat’’ que reconnaîtra plus de quarante ans plus tard la Belgique, continuera toujours à hanter l’esprit des nationalistes congolais.

            Du 22 juillet au 2 août 1961, aura lieu à Léopoldville, le Conclave de Lovanium ou Conclave de la capitulation, où beaucoup de nationalistes corrompus, installeront Adoula au pouvoir, comme premier ministre, à la tête du Gouvernement Adoula présenté devant les Chambres comme  ‘’successeur légal du premier gouvernement central’’. Nous avons déjà dénoncé, dans notre étude sur Gizenga, cette capitulation des nationalistes, orchestrée par ce dernier, à la grande déception de Mulele.    

            1963 : 2/3/1963 : L’URSS réclame le retrait des forces de l’ONU au Congo.  29/9/1963 : Mise en congé du Parlement par Kasa-Vubu. Persécution des Nationalistes congolais. Du 29 septembre au 3 octobre 1963, se tient à Léopoldville, une assemblée extraordinaire des partis nationalistes d’opposition. Ils créent l’U.PA.NA (Union des Partis Nationalistes, regroupant le MNC-L, le PSA-G, l’UDA, et le PNCP) dans le but de coordonner la résistance aux mesures prises par le Gouvernement. Le 3 octobre 1963 : Création du CNL (Conseil National de Libération), dont l’objectif fondamental était de renverser le gouvernement Adoula et de réaliser la ‘’décolonisation totale et effective du Congo dominé par la coalition des puissances étrangères’’.

    Mulele étant déjà (depuis juillet 1963) dans le maquis au Kwilu, les principaux membres du CNL, exilés à Brazzaville, depuis octobre 1963, étaient : Ch. Gbenye (MNC-L), G. Yumbu (PSA-G), E.D. Bocheley (MNC-L), T. Mukwidi (PSA-G), A. Lubaya (UDA), PH. Kanza (UDA), E. Lonji (PNCP), V. Pakassa, commandant en chef des forces armées révolutionnaires, A. Asumani-Senghie (MNC-L), B. Lukunku (MNC-L), S. Kama (PSA-G), L. Mulundu (PSA-G), A. Peti-Peti (ex-LUKA), M. Mongali (Parti du Peuple en 1960).                                                           

    Mobutu, assisté du colonel Marlière, combattra l’insurrection populaire armée du CNL, de 1964,  grâce à l’appui et à l’assistance militaire et financière des impérialistes (américains et belges) qui avaient à préserver au Congo, leurs intérêts économiques et politiques. Sans armée bien organisée, Mobutu a recouru aux mercenaires occidentaux (de l’OTAN) qui vaincront les combattants nationalistes, dans l’opération Ommegang conduite par Vandewalle, assisté par les officiers qu’on a déjà vus dans la sécession katangaise (Protin, Lamouline, Grailly, Liégeois, Verdickt).

    Le 24 novembre 1965, Mobutu, grâce au ‘’Plan Larry’’ (monté par les USA, en collaboration avec la Belgique) fait son deuxième coup d’Etat, éliminant Kasa-Vubu du pouvoir, et devenant, à la même occasion, président de la République du Congo. Le régime qu’il instaure au Congo est néocolonial (comme celui de Kasa-Vubu) sur ordre des impérialistes, mais il y ajoute une note de dictature pour des raisons qu’on exposera plus tard, dans cette étude.

    On montrera par ailleurs, dans la suite de cette étude, qui était l’homme, qui a recruté Mobutu dans la politique, et comment, et pour quels buts on l’a préparé à prendre enfin le pouvoir en ce jour du mois de novembre de 1965, et pourquoi, comment on l’a aidé à le garder jusqu’à sa fuite en 1997 !

    Kinshasa le 11/11/2008.



    Bibliographie :

  • Jorge Beys, P-H Gende-Bien,   et B. Verhagen : Congo 1963, C.R.I.S.P, Bruxelles, I.N.E.P, Léopoldville.
  • Ludo Martens : Pierre Mulele   ou La seconde vie de Patrice Lumumba, EPO, 1985.
  • F. Monheim : Mobutu, l’homme   seul, Bruxelles, 1962.
  • J. Chomé : L’ascension   de Mobutu, Bruxelles, 1974.
  • J-L Remilleux et Mobutu :   Dignité pour l’Afrique (Entretiens), Albin Michel, Paris, 1989.

CENTRE  D’ETUDES  DU  MOUVEMENT  NATIONALISTE  CONGOLAIS  (C.E.MO.NA.C)

KINSHASA / R. D. C

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